1 – Vous dîtes qu’il est impossible de tailler du granite sans outils perfectionnés, or des expériences archéologiques montrent le contraire ?
On ne dit pas que c’est impossible. On peut tailler du granite de diverses manières : par la méthode du clivage, avec des coins de bois qu’on va humidifier pour le faire gonfler, ou avec des coins de cuivres ; par percussion, avec une autre pierre (une boule de dolérite par exemple), qui va écraser des cristaux à chaque percussion, par abrasion avec un produit abrasif (sable riche en quartz ou poudre issue du broyage d’une roche, comme le corindon) ou encore par un sciage “abrasif”, en utilisant du cuivre par exemple, une poudre abrasive et de l’eau. Dans ce cas, la lame ou le fil de cuivre ne scie pas à proprement parler mais entraine les grains abrasifs (quand on fore avec un tube de cuivre, le cuivre s’use davantage que la roche). Ces méthodes fonctionnent parfaitement, et permettent d’obtenir des blocs qui pourront ensuite être abrasés pour présenter des surfaces plus ou moins planes (en fonction de la durée du travail).
Le problème est que ces méthodes ne permettent pas de scier précisément afin d’obtenir un bloc avec les formes, souvent complexes, observées : les assemblages de granite, sans joints entre eux, tels que ceux visibles en Égypte témoignent de la précision d’exécution, car il est impossible de glisser une lame de rasoir entre des blocs pesant parfois plusieurs tonnes ou dizaines de tonnes. Comme les gens de métiers le savent (reportez-vous à l’interview de Jean-Louis Boistel pour en savoir plus), on ne peut pas s’aventurer dans la construction d’un mur composé de blocs aux formes polygonales sans prendre de références précises (un bloc sert de “centre”) ou faire de croquis avec relevés de dimensions et d’angles.
L’assemblage doit d’abord être conçu avant d’être réalisé. La question est donc “Comment fait-on pour obtenir les formes précises nécessaires aux assemblages de granite visibles dans le Temple de la Vallée de Gizeh ?”
Ce qu’on voit mieux sur cette illustration, et ce qui rend caduque l’argument de “l’économie de matière” pour la justification des formes polygonales des blocs (on retaillerait le moins possible ce qui sort de la carrière. Voyez les explications du tailleur de pierre chevronné Jean-Louis Boistel à ce sujet
2 – Vous affirmez qu’il est impossible de transporter des blocs tels que ceux qu’on voit en Égypte, mais des expériences montrent pourtant que c’est possible ?
On ne dit pas que c’est impossible, on fait seulement remarquer qu’entre transporter un bloc de quelques tonnes sur une courte distance et des dalles de granite de 70 tonnes, comme certaines qui composent la chambre haute de la grande pyramide, située à 50 mètres au-dessus du sol, très précisément ajustées, il y a une grande différence. La même qu’entre transporter un moaï – les statues de l’île de Pâques – de 5 tonnes en béton sur sol plat et un moaï de 80 tonnes sur le sol escarpé de l’île, pour le positionner précisément sur son socle. La difficulté ne réside pas simplement dans le transport, mais également dans le positionnement (certains moaï sont coiffés de chapeau de tuff volcanique rouge pesant de 4 à 8 tonnes…).
Le problème se retrouve également avec les Colosses de Memnon, dans la province de Luxor : deux géants de plus de 1000 tonnes, à nouveau précisément disposés sur leurs socles, qui présentent la particularité d’être très légèrement inclinés afin de créer un effet de perspective.
Ces mêmes problématiques se retrouvent à divers endroits de la planète – nulle part ailleurs comme en Égypte qui bat tous les records – et on peut évidemment envisager “qu’Homo Sapiens étant partout le même sur la planète, au même problème il aboutira à la même solution”. Soit. Mais dans ce cas, doit-on également envisager que ces peuples commenceraient donc par ériger des statues colossales et des murs composés de blocs gigantesques, sans ciment, pour ensuite perdre ces techniques et ne plus être en mesure de le faire durant les décennies ou les siècles qui suivraient ?
3 – Ayant regardé vos deux documentaires, je me suis rendu compte d’une chose : Vous posez la bonne question (Pourquoi ont-ils fait ça ?), mais j’ai l’impression que vous n’explorez pas beaucoup les pistes de la psyché humaine. Vous y cherchez des fonctions, des héritages (ou des transmissions codées), des reliques d’une civilisation qui pensait différemment, etc… Mais vous abordez assez peu l’Homme comme un artiste. Ce poli magnifique exige certes un niveau avancé de maîtrise technique, mais est-ce forcément pour répondre à un besoin technique complexe ? Et si les hommes avaient fait cela pour la beauté du résultat ? L’art pariétal obsède les hommes depuis des dizaines de milliers d’années, et on a souvent envisagé une utilité technico-culturelle à son développement (communiquer ses rencontres, ses espoirs, conjurer le sort, vénérer l’objet de son désir, etc…), mais on évoque rarement un phénomène simple : l’auto-réalisation par l’art. L’obsession de symétrie parfaite, la brillance, la ressemblance avec des éléments environnants, etc… Toutes ces obsessions ne seraient-elles pas de simples névroses d’artistes ? Et si ces grottes n’étaient que la conséquence d’une mode passagère (dans la région) consistant à faire briller ce que l’on a créé !?
Merci pour ta remarque, qui va me permettre de préciser. Ce n’est pas seulement le poli qui rend Barabar unique, mais l’exigence de précision dans le respect des dimensions… qui n’a rien à voir avec un processus créatif libre d’artiste, qui réaliserait le genre de grottes qu’on voit ailleurs dans l’Inde et dans le monde, ornées de sculptures et décorations diverses. Là c’est brut, simple, géométrique et très précis, sans aucune fioriture.
3 – les fameuses mesures prises dans les grottes sont une belle arnaque. Les pics de résonance à 200Hz n’existent pas, il suffit de bien regarder les courbes.
Passons la formulation, un peu trop péremptoire, servant juste à faire croire que BAM mentirait. Dans le film, c’est une superposition de tous les relevés qui a été effectuée, et seule la partie du dessus, avec les bâtonnets, a été conservée… voici les impressions d’écran des résultats obtenus pour la grotte Karan Chopar, avec le logiciel DBTrait : le pas de 24,5 Hz n’est pas assez précis, et le sonomètre également, raison pour laquelle nous allons y retourner avec des experts en la matière et du matériel plus performant :
Nota : cette suspicion de triche ou de manipulation est très peu constructive, car nous livrons ce que nous trouvons en disant bien qu’il faut pousser davantage les investigations… et aussi parce que tout le monde peut se tromper, l’égyptologie la première, elle qui a considérablement varié dans ses hypothèses (plus souvent présentées comme des affirmations) !
4 – J’ai essayé d’être attentif à tout ce qui a été dit dans BAM. Un argument récurent et pourtant fondateur de cette théorie d’une civilisation avancée perdue prend comme base l’observation d’une dégénérescence architecturale observée de façon globale à la surface de la terre. Elle démontre par la superposition de deux type architecturaux prétendument opposés que sont l’emploi de gros blocs (cyclopéens) très précisément réalisés et ajustés à ceux plus “primitifs” fait de petits blocs… Ces choix architecturaux, car il s’agit selon moi de choix et non pas de dégénérescence se retrouvent très précisément dans deux civilisations successives pourtant extrêmement proches à tous égards : Grecs et Romains de l’antiquité. Si les premiers ont tout bâti en blocs massifs ajustés les second ont même dépassé leurs prédécesseurs par l’emploi de petits moellons, de briques ou de mortier…
Diriez vous que le Colisée est une dégénérescence architecturale ? J’ai un peu du mal à suivre votre argumentaire sur ce sujet. Tout cela pour dire que tirer des conclusion de la seule observation, si précisé soit elle sans prêt ndre en compte la civilisation à laquelle elle appartient et aux ressources économiques dont elle dispose à ce moment risque d’induire en erreur quant aux conclusions qu’on en tire, ou aux questions que l’on se pose. Quand aux prétendues impossibilités de travailler précisément avec des outils simples, vous niez tout ce que le génie humain a démontré depuis les millénaires de son évolution… Les bâtisseurs de cathédrale gothique ont bien sculpté chaque bloc avec un marteau et un burin il me semble… Et c’est parfaitement documenté… Praxitele a bien sculpté et poli miroir des statues en marbre sans machine pour l’aider… Non ?
J’aimerais beaucoup en savoir plus sur le site turc qui me semble la partie la plus étonnante et la plus intéressante du film. Il pose effectivement la question de l’ancienneté de la sédentarisation et du phénomène de néolithisation de l’homme. Cela enrichit notre connaissance et l’inscrit dans la continuité de l’évolution de l’homme chasseur cueilleur du mésolithique. A ceci près qu’on recule la date de cette transition…
5 – Votre équateur incliné, c’est du flan car vous ne choisissez que les sites qui vous arrangent, en laissant de côté tout un tas d’autres pourtant importants !
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